Quelles solutions existent ?

Avant même de consulter !

Le régime pauvre en résidus, privilégiant le riz, les pâtes, les viandes et poissons grillés, permet de diminuer la fréquence des selles et de les rendre moins liquides : cela est souvent un premier point, qui est d’ailleurs spontanément réalisé par les sujets ayant une incontinence anale parce qu’ils finissent par identifier d’eux-mêmes les aliments qui sont le plus souvent associés aux fuites de selles.

 

La première étape, dès la première consultation spécialisée

Cette première consultation est souvent longue car après un interrogatoire précis et un examen clinique minutieux, le spécialiste demandera et expliquera à son patient les examens à réaliser. Il lui donnera ensuite des conseils divers, notamment sur le régime modéré à privilégier, et sur « l’hygiène défécatoire » pour essayer d’avoir un transit régulier fait de selles moulées, à évacuer si possible en une fois et sans différer la défécation.

Parfois, il proposera l’utilisation d’un suppositoire ou d’un petit lavement pour bien achever la vidange rectale, et éviter ainsi la fuite qui survient chez certains sujets après la première selle.

Si le transit est fréquent et assez liquide, le médecin pourra proposer de ralentir le transit et d’épaissir les selles en préconisant un « pansement intestinal » de type diosmectite, ou un freinateur de l’intestin de type lopéramide. Les ballonnements et flatulences, les gaz trop fréquents peuvent être traités au moins en partie par la prise de charbon.

Toujours lors de cette première consultation, il est souvent proposé de faire à la maison des petits exercices quotidiens pour incontinence anale et/ou incontinence urinaire : cela consiste à faire des petites contractions de l’anus (« essayez de retenir les gaz ») pendant 10 secondes, suivis d’une relaxation de 20 secondes, 10 fois de suite, tous les jours pendant plusieurs jours. Comme pour le bodybuilding qui renforce les biceps, la contraction de l’anus renforce les mêmes sortes de muscles que sont le sphincter externe, le releveur de l’anus, et les autres muscles du périnée (les muscles sous contrôle volontaire).

 

Lors des consultations suivantes…

Si ces conseils hygiéno-diététiques, de contrôle du transit et d’auto-rééducation ne suffisent pas, et une fois le bilan réalisé qui permet de confirmer la cause de l’incontinence anale déjà suspectée lors de la première consultation, votre spécialiste pourra vous proposer plusieurs séances de rééducation auprès d’un kinésithérapeute spécialisé lui aussi dans la prise en charge des troubles du périnée (incontinence anale, urinaire, douleurs) et du pelvis (descente d’organe par exemple). Ce kinésithérapeute proposera un programme personnalisé d’exercices, basés sur le contrôle par le sujet lui-même des progrès qu’il fait, à l’aide de supports visuels (un écran sur lequel la pression de contraction de l’anus et la relaxation sont enregistrées) et/ou auditif. Ce type de rééducation porte le nom de rééducation par biofeedback, dont les études ont montré une bonne efficacité dans beaucoup de cas d’incontinence. L’efficacité dépend aussi du sérieux et de la motivation du patient et du kinésithérapeute !

Une forme particulière de rééducation, encore en cours d’évaluation, est la stimulation d’un nerf de la jambe à domicile à l’aide d’électrodes collées sur la peau (appelé TENS) qui permet, par des phénomènes de remontée vers le sacrum, de stimuler aussi certains nerfs qui contrôlent la continence. L’effet est plutôt « suspensif », ce qui signifie qu’après l’arrêt de ce type de rééducation, l’incontinence finit par revenir au bout d’un certain temps : il faut alors refaire des séries de séances de stimulation.

Enfin, et pour les cas les moins sévères, il existe une technique proctologique qui consiste à injecter un produit dont il existe plusieurs types (injection de biomatériaux), à l’aide d’une aiguille dans le sphincter ou sous la muqueuse du canal anal, pour en quelque sorte « épaissir » cette zone et renforcer la fermeture spontanée de l’anus. Plusieurs études sont en cours, pour trouver le meilleur produit qui apportera une amélioration significative durable.

 

Plus tard encore…

Ce n’est qu’en cas d’absence d’amélioration de tous ces moyens médicaux (régime, hygiène de vie, médicaments, rééducation spécialisée, éventuelle injections) et si bien sûr le patient est toujours gêné au point de demander un traitement supplémentaire, qu’il sera adressé au chirurgien. Encore faut-il qu’une indication à une opération soit bien sûr retenue.

Dans le cas d’une incontinence anale par rupture du sphincter de l’anus, resté en permanence entrouvert à cause de l’écartement des deux parties rétractées, il faut commencer par proposer une réparation directe, appelée encore « sphinctérorraphie » (raphie signifiant rapprochement) : le lecteur comprendra qu’il faut ici une grosse destruction pour pouvoir être efficace. Heureusement, les progrès de l’obstétrique et de la chirurgie proctologique font que ces cas sont de plus en plus rares.

Dans le deuxième cas de figure et comme nous l’avons vu dans les causes de l’incontinence anale, l’anus est spontanément fermé, et les deux sphincters interne et externe sont bien présents : il s’agit alors d’un trouble de la commande nerveuse. Il n’y a ici bien sûr aucune réparation directe à faire et c’est l’indication de la neuromodulation des racines sacrées, dont le principe consiste à placer une électrode dans un orifice du sacrum pour stimuler une racine nerveuse qui contrôle la continence anale, la continence urinaire et même certains réflexes du côlon qui peuvent aider à améliorer le transit intestinal.

Après avoir confirmé la bonne indication à cette technique, et avoir présenté le dossier en réunion de concertation faisant intervenir plusieurs spécialistes comme le recommande la Haute Autorité de Santé, le chirurgien placera une électrode dans le sacrum au cours d’une opération de moins d’une heure, le plus souvent en ambulatoire.

Cette électrode sera reliée à un prolongateur qui sera lui-même connecté à un petit boîtier temporaire de stimulation externe pour une quinzaine de jours.

Controller ENS

Système test Verify (Controller ENS)
Crédit photo Medtronic

stimulateur

Neurostimulateur
Crédit photo Medtronic

Au bout de ce laps de temps, il faut comparer le calendrier des selles, le score d’incontinence, et tout autre évènement entre la période avant implantation de l’électrode et la période avec l’électrode. Si le nombre de fuites est diminué d’au moins 50%, le test est considéré comme positif, et le deuxième temps peut être réalisé. Il consiste à placer sous une courte anesthésie, là encore de moins d’une heure, en ambulatoire, un stimulateur dont la durée de vie est de plus de 5 ans dans la région de la fesse pour que ce soit discret.

 

D’autres techniques existent encore, qui ne sont pas remboursées (sphincter artificiel), ou qui sont assez agressives (transposition d’un muscle de la cuisse autour de l’anus ou graciloplastie), ou encore qui sont en étude (sphincter magnétique).

Enfin et pour être complet, certains cas sont tellement graves et difficiles à traiter par les moyens médicaux et chirurgicaux que nous avons vus, que les patients eux-mêmes demandent une stomie, c'est-à-dire une poche sur l’abdomen. Ces cas extrêmes sont rares et ne sont toujours réclamés que par les patients eux-mêmes.